Judith BUTLER parle des normes
du genre à savoir les normes de la féminité et de la masculinité. Nous allons
nous intéresser ici aux normes de masculinité. Nous pouvons donc nous demander
quelles sont ces normes et en donner une définition.
La masculinité constitue
l’expression publique de l’identité masculine c'est-à-dire l’expression des
traits de personnalité qui sont culturellement et socialement associés à ce
rôle. Comme l’explique J. BUTLER, ces normes sont « un rapport social et
d’opposition entre le corps féminin et le corps masculin qui s’est naturalisé
avec le temps avec le caractère historique de la famille ». On peut donc
penser que ces normes rejoignent une vision archaïque de la famille avec
l’homme qui est le chef de famille, fort et autoritaire, ne laissant pas place
à l’émotion. Les normes de masculinité aujourd’hui rejoignent en effet cette
vision traditionnelle de la famille et des rôles de chacun dans la société en
général. En effet, ces normes sont imposées, explicitement ou implicitement,
par la société car elless’inscrivent dans
un ensemble de croyances sociales et culturelles servant à déterminer ce qu’un
homme devrait ou ne devrait pas faire pour être considéré comme masculin, ce
qui est acceptable ou non pour qu’un garçon puisse se considérer lui-même et
être considéré par les autres comme tel. La masculinité répond donc à plusieurs
critères. Selon William Pollack, il existe un code de la masculinité qui
comprend quatre critères :
Le stoïcisme : un homme ne partage pas sa souffrance, ne pleure pas en public et évite les émotions vives, particulièrement celles reflétant de la dépendance ou de la chaleur ;
L'autonomie : un homme est indépendant, il fait face aux difficultés de la vie en restant impassible et n'admet pas sa dépendances aux autres ;
La réussite : un homme réussit sur le plan professionnel de façon à être capable de nourrir la personne aimée et sa famille ;
L'agressivité : un homme est fort et robuste, il agit progressivement si les circonstances l'exigent.
On remarque bien ici la persistance du
« rôle de l’homme » comme étant l’homme fort, invincible,
énergique et agressif s’il le faut comme c’était le cas quand l’homme était le
« patriarche ». L’institut Catalyst a également mené une étude,
présentée lors d’un colloque en 2013, qui a permis d’identifier les quatrenormes masculines les plus répandues
dans les cultures de l’Europe Occidentale, qui rejoignent les
précédentes :
Eviter le féminin : cette règle impose aux hommes de ne jamais se conformer publiquement à une norme dite féminine (l’empathie, l’écoute, la recherche de consensus, l’émotivité, le doux) afin d’éviter le ridicule ou le rejet.
Etre un gagnant : est qualifié de masculin tout comportement qui accroît la richesse, le prestige social ou le pouvoir. Est donc légitimé tout comportement de recherche d’une belle carrière, à de hauts niveaux de gouvernance, dans le monde économique ou politique.
Ne jamais montrer une faille dans l’armure : se montrer dur de corps et d’esprit, à la fois en ne fuyant jamais la menace physique et en dissimulant les émotions telles que la crainte, la nervosité ou la tristesse.
Faire partie du clan: les hommes doivent gagner l’admiration et la camaraderie de leurs pairs, à la fois en montrant qu’ils préfèrent la compagnie des hommes, mais aussi en participant à des passe-temps ou activités dites masculines, comme boire de la bière, aller au golf, fréquenter des cercles masculins.
Ainsi, les hommes sont soumis à des stéréotypes à savoir l’homme
fort sur le plan physique et sur le plan émotionnel, respecté de ses pairs,
protecteur et courageux, viril et ne pensant qu’au sexe. Judith BUTLER parle
d’ailleurs de « lien de soumission à la norme » sous peine d’être moqué,
chahuté, maltraité voire tué (comme l’exemple qu’elle cite de l’adolescent
vivant dans le Maine ayant été frappé puis jeté du haut d’un pont car il avait
un « déhanché féminin »).
A ces critères psychologiques
s’ajoutent des normes physiques. En effet, nous sommes dans une société
valorisant l’apparence. Chaque sexe doit répondre à des critères de beauté bien
définis. Ainsi, et cela reflète les critères psychologiques, l’homme doit être
grand et musclé. Cette image est véhiculée quotidiennement par les publicités,
les affiches, les magazines, … Il n’apparaît que des hommes tors nus au corps
« parfait ». Cette exposition médiatique du corps dénudé de l’homme à
d’ailleurs entrainé un nouveau phénomène : celui de « l’homme
objet ».
Grâce au combat des féministes
pour l’émancipation de la femmeet
l’égalité entre les hommes et les femmes, les femmes ont gagné en
reconnaissance et en pouvoir. Même si cette égalité n’est pas encore parfaite
(inégalité des salaires par exemple) et que certains conservent une vision
archaïque du rôle de la femme dans la société, son statut a tout de même
grandement évolué et les femmes ne sont plus considérées par la société comme
des êtres inférieurs, dépendants de l’homme. A travers la libération sexuelle
et le droit des femmes de disposer de leur corps, les femmes sont de plus en
plus apparues comme étant des objets sexuels pour les hommes. Cette tendance,
qui existe toujours, s’est également étendue à l’autre sexe avec l’apparition
de l’homme objet. Ceci est notamment lié au phénomène des « femmes de
pouvoir », ces nouvelles femmes émancipées qui auraient pris l’ascendant
sur les hommes et qui, grâce à ces libertés acquises, peuvent disposer des
hommes comme bon leur semble. L’homme, souffrant de plus du stéréotype de
masculinité qui considère qu’il doit être performant sexuellement, devient
ainsi un objet sexuel. Ainsi, dans ce blog traitant de l’émancipation et plus
particulièrement celle de la femme, nous pouvons tout de même nous demander si l’homme
est lui aussi émancipé dans le sens où il est aujourd’hui considéré comme un
objet. Nous nous sommes posés cette question à la suite du micro-trottoir
réalisé où plusieurs témoignages, en réponse à la question « pensez-vous
que la femme est émancipée de nos jours », parlaient du fait que l’homme
n’était pas émancipé non plus, soumis lui
aussi aux contraintes et normes de la société et étant perçus comme un objet
notamment sexuel. En effet, comme nous l’avons vu dans les articles précédents,
les hommes sont eux aussi soumis à des normes de l’apparence et aux normes du
genre. Ce culte de l’apparence est véhiculé par les médias, qui ont participé à
l’émergence de l’homme objet.
Le phénomène de l’homme objet
est né dans les années 2000 dans la presse féminine et avec l’apparition dans
les publicités d’hommes dénudés. Aujourd’hui, cela est présent au
quotidien : les publicités (pour les parfums ou déodorants masculins par
exemple) montrent toujours des hommes nus (cf photo 1), on croise dans les rues
des affiches de « beaux » jeunes hommes dénudés, … A chaque fois, les
hommes sont grands et musclés, présentés en objet de désir. Cet avènement de
l’homme objet de désir sexuel peut être illustré par la création en 2001 et le
succès du calendrier « des dieux du stade » où des rugbymans posent
avec pour seul habit leur ballon de rugby (cf photo 2).De plus,des séries comme Sex and the
city, Desperate Housewives (où les hommes sont tous potentiellement présentés
comme des objets, de John le jardinier à Mike le plombier…) ou récemment
Lipstick Jungle, qui met en scène des femmes aux postes à responsabilités, ont
toutes contribué à entériner ce phénomène. Ainsi, l’homme est littéralement
représenté comme un objet dans les publicités et certaines séries ou émissions
télévisées mais il est aussi devenu un objet de consommation, perçu presque
seulement comme un « sextoys ». Par exemple, le site de rencontre
humoristique « adopte un mec » créé en 2007 montre les hommes comme
de simples objets de consommation mis en rayon que la femme choisit ou non de
mettre dans son panier. Il s’agit là d’une marchandisation de l’homme (cf photo
3).Enfin, dans certaines publicités, lorsque
l’homme n’est pas traité comme un objet, il est souvent vu comme un animal domestiqué,
beau, nu, silencieux, sous le joug des femmes (cf photo 4).
S’il
existe des associations féministes pour défendre les droits des femmes et les
offenses qui leur sont faites, les hommes restent peu représentés dans ce
domaine. On est donc plus libre de se moquer d’eux et de les marchander.
D’après Judith Butler, les
normes du genre impliquent deux types de comportements : on peut jouer
avec ou elles peuvent engendrer une angoisse, une peur de perdre son identité.
En effet, la construction de l’identité, qui a lieu principalement à
l’adolescence, se fait notamment à travers les normes que véhicule la société,
qui sont ici les normes de la masculinité. Il semblerait que les garçons aient
intégré ces normes car ils les entendent depuis qu’ils sont petits. Par
exemple, selon une étude effectuée en 2003 auprès d’un groupe de 32 garçons
américains âgés en moyenne de 15 ans, à la question « qu’est-ce que veut
dire être un homme » les jeunes répondaient généralement « avoir un
pénis, être fort, se défendre et être responsable ». Ils définissaient
l’homme comme un leader, mature et fort, tant physiquement qu’émotionnellement.
Ainsi, les stéréotypes traditionnels de l’homme fort, courageux et viril restent
ancrés dans les mentalités. Il ressort également de cette enquête que l'hétérosexualité est un critère important dans la masculinité, ce qui prouve les propos de J. BUTLER : « appartenir à un genre donné implique une sexualité donnée ». Ce n’est pas avoir des relations sexuelles avec un homme qui pose problème, c’est le fait que l’homosexualité est souvent associée à un manque de masculinité. En effet, les garçons décrivent les homosexuels avec « une voix aigüe, un habillement et langage corporel efféminés, … », ce qui est le contraire des caractéristiques associées à la masculinité et la virilité. Dans l’homosexualité, c’est le côté féminin de l’homme qui est rejeté.Les
garçons sont donc, pour la plupart, influencés par une conception assez traditionnelle
de l’homme mais ces stéréotypes peuvent être lourds à porter pour les
adolescents qui sentent le besoin de s’y conformer. En effet, déroger à ces
normes (par des comportements dits « féminins » tels qu’un mouvement
de hanches, une voix aigue, le fait d’aimer les hommes, …) les amènerait à ne
pas se sentir masculin, et ne pas être perçu comme un« vrai » gars par les personnes qui
les entourent, ce qui remet en cause leur identité. Ils sont des hommes
physiquement, biologiquement, mais les critères de masculinité imposés ne
correspondent pas nécessairement à leurs valeurs/envies. Ils ne savent donc
plus où se situer, étant des hommes mais n’ayant pas une « réelle »
identité masculine. Ce sentiment est amplifié à l’adolescence qui est la
période où l’on cherche à construire sa propre identité. Il est d’ailleurs
ressorti à travers des études que le code de masculinité est un facteur qui
explique que les garçons se suicident plus que les filles. Ainsi, ces normes de
masculinité engendrent, pour certains qui ne s’y conforment pas, un sentiment
de perte d’identité, un mal être. Tout le travail de construction d’identité
qui se fait, consciemment ou inconsciemment, à travers les normes et le regard
de la société est remis en question, ils ne trouvent plus leur place. Les
normes du genre conditionnent les personnes pour répondre à tel ou tel critères
en excluant d’une « catégorie sociale définie» les personnes ne
réunissant pas ces critères au point qu’ils ne sachent même plus quelle est
leur identité. L’impact des normes du genre a d’ailleurs été démontré par
certaines études qui révèlent que : « les garçons qui adhèrent
fortement à une conception traditionnelle de l’homme sont plus susceptibles que
les autres de connaître l’anxiété, d’avoir une faible estime de soi et
d’éprouver des difficultés dans leurs relations amoureuses et sexuelles ».
Ainsi, les hommes vont essayer de trouver leur place dans cette société
normalisée. Certains adhèrent à ce rôle traditionnel masculin, avec les
conséquences psychologiques que cela implique, d’autres ne s’y reconnaissent
pas et adoptent une autre conduite (jouent avec les normes).
"Est-ce que je me définis d'abord en tant que lesbienne ? Disons avant d'être femme ou juive ou américaine ?" - Judit Butler
Judith Butler, dans un documentaire sur elle-même, se questionne. Elle se demande comment l'on doit se percevoir ? Elle explique que nous avons plusieurs facettes : notre genre, notre religion, notre métier, etc, mais est-ce que l'une d'elles doit nous définir ? Est-ce qu'on ne peut contrer ces représentations en étant juste ce que nous sommes, des êtres humains avec des sentiments, des envies, etc. Ne pas se catégoriser par des étiquettes, passer outre. Au 21ème siècle, la question d'identité est au coeur des réflexions : "Suis-je différente en étant pansexuelle, tatouée, percée ? Doit-on me pousser en dehors des normes sociétales pour ma sexualité ou mon physique ? Suis-je chrétienne alors que mon baptême fût réalisé sans mon consentement ? Ces questions ont-elles un sens pour ma propre personne ou seulement pour la société dans laquelle je vis ?"
"Est-ce que si j'appartiens à un certain genre suis-je quand même considéré/e comme faisant partie des humains ? Est-ce que l"humain" s'étendra jusqu'à m'inclure dans son champ ? Si mon désir va dans un certain sens, aurai-je la possibilité de vivre ? Y aura-t-il un lieu pour ma vie et sera-t-il reconnaissable pour ceux dont dépend mon existence sociale ?"
Dans notre société, nous devons suivre les normes, cependant certains les dépasse en se marginalisant, mais ils sont donc reconnus pour être des "marginaux". Est-ce que si l'on défie vraiment les normes, on peut sortir des catégories de genre ? Ne plus être considéré comme un être humain ? Dans ce livre, elle pose ces questions et y répond par un exemple pendant le documentaire. Elle explique que quelques années auparavant, un homme qui présentait une démarche féminine fût battu et jeté du haut d'un pont par d'autres jeunes hommes de sa propre ville, son seul crime avait été sa différence. Ce jeune homme est donc mort parce qu'il ne rentrait pas dans l'esthétique socialement normée que ces garçons avait l'habitude de voir. Les "humains" ont peur lorsqu'on ne leur ressemble pas, pourtant ce n'est pas à eux de juger de la vie et de la mort d'une personne parce que l'on appartient tous au genre humain.
Afin de traiter de manière originale de la question du féminisme dans notre société basée sur le paraitre, je décide d’évoquer les troubles du comportement alimentaire. Ce sujet transversal recoupe à la fois mon expérience personnelle et la conférence de Judith Butler sur laquelle nous nous sommes tous appuyés.
Introduction
La conférence de Judith Butler est une des bases fondamentales de cet article car elle fait sens aux idées qui vont être développées en suivant.
Judith Butler pose, notamment au travers de ces travaux, la question du genre et des normes dans le genre (cf : Trouble dans le genre). Son objectif est de déconstruire l'apriori selon lequel l'être humain possède en lui de manière innée un idéal de genre prédéfini : masculin ou féminin. Pour cela, elle montre qu'il n'existe aucun lien entre le sexe et le genre et ainsi que ces idéaux de genre existent uniquement parce qu'ils sont répétés comme des modèles au fil du temps. Les normes du genre deviennent une forme d’appartenance qui se construit au fur et à mesure de son existence à l'aide de pratiques habituelles et de contraintes imposées par des normes sociétales.
Elle renvoie l’image éloquente d’une société basée sur l’image. Nous voyons cette idée notamment lorsque cette dernière évoque les normes du cinéma hollywoodien. Son discours montre combien l’individualité disparait face à la massification des traits de caractère. « Les normes qui n’ont de cesse d’éliminer » continuent cependant à être mises en avant dans les médias. La conséquence directe est donc une image idéalisée de la femme, c'est ce point que je m'attache à développer dans cet article.
D’un point de vue nettement plus personnel, ce sujet fait intervenir mon expérience professionnelle antérieure. En effet, avant d’intégrer cette licence, j’ai obtenu un Diplôme Universitaire Technologique en option diététique. J’ai donc réalisé plusieurs stages en autonomie en tant que diététicienne. J’aimerai partager, avec vous qui me lisez, mon histoire qui permettra je vous l’assure d’illustrer et d’étayer les propos présentés ci-dessous.
Histoire personnelle
Mes multiples consultations diététiques m’ont permis de tirer diverses conclusions quant à cette problématique de norme sociétale. S’il s’agissait ici de donner un avis succinct j’aimerai avouer que les femmes ne sont pas aussi influencées par les images véhiculées que ce qu’on voudrait bien penser. En outre, la réalité qui s’est imposée à moi s’est révélée toute autre. Notons que j’ai eu l’occasion de m’exercer dans un grand centre hopitalier traitant toutes sortes de pathologies et dans un hôpital psychiatrique. Certes ce genre de détail ne semble pas détenir une importance capitale à ce stade de mon développement mais il faut tout de même savoir qu’une forme de constance persiste et ceci quelque soit le milieu sur lequel j’appuie mes dires.
Intéressons nous tout d’abord aux patientes hospitalisées pour des problèmes de santé relativement importants. Lors des passages en chambre, une chose aussi étonnante que paradoxale se produisait. Mes patientes s’accordaient toutes pour se préoccuper d'un seul et même point : la prise de poids. Le régime thérapeutique mis en place devenait secondaire comme si une quelconque variation de poids était le seul élément à charge. Cependant ces mots, ces questions et problématiques étaient devenus une sorte de discours habituel. La plupart passaient outre la préoccupation purement médicale.
Poursuivons, certaines que je consultais pour de simples visites de contrôle me demandaient tout de même de leur prescrire un régime hypocalorique sans aucune raisons véritables. Qu’importe la nature de la preuve apportée comme par exemple un Indice de Masse Corporelle (IMC) normal, ces femmes me répètent à tue tête qu’elles se trouvent, pour les citer, « trop grosses d’ici et là… ». Si je devais parler des femmes en général beaucoup ont un nombre de représentations sur l’alimentation absolument astronomique et je pèse mes mots. Ne vous étonnez plus d’entendre dire que les féculents doivent être absolument écartés de l’alimentation sous peine de prendre du poids. Ne vous outrez plus non plus d’entendre dire que les fruits et légumes sont à la base de l’alimentation, que les matières grasses sont à bannir et qu’elles pourraient provoquer des infarctus à répétition. N’allez pas croire ici que je grossis les traits pour les bienfaits de mon article car j’aimerais le croire aussi.
Enfin, je voudrais évoquer ici mon expérience en milieu psychiatrique. Oui, j’entends que cela n’a rien à voir et que lorsque nous sommes « malades » le poids n’a pas d’importance. Et bien détrompez-vous car j’ai eu l’occasion de remarquer que les préoccupations pondérales se retrouvent aussi dans ce cadre pourtant si particulier. Il semblerait alors que la norme ait une emprise sur toutes les femmes et traversent bien au delà des affections mêmes psychiatriques.
Alors serions nous dans une société uniquement basée sur l’image que l’on renvoie ? Nous tenterons ici de comprendre comment un tel phénomène a t-il pu être créé. Il ne s’agit en rien d’une stigmatisation qui nuirait à la qualité des propos avancés.
Le bombardement médiatique qui façonne une image biaisée de la femme
Les médias connaissent une montée en puissance exceptionnelle ces vingt dernières années. Ils influencent considérablement la manière dont les normes sociales et culturelles concernant la femme et le genre sont conçues et évoluent. Jamais dans l’histoire, les médias n’ont joué un rôle aussi important dans la socialisation des êtres humains. Aujourd’hui nous pouvons parler d’une certaine omniprésence, ils sont devenus un élément obligé de la vie quotidienne réussissant même à rythmer nos occupations.
« On ne peut nier l’importance économique, sociale et culturelle des médias dans le monde moderne. Les médias sont un secteur industriel majeur. Ils dégagent des bénéfices et créent des emplois. C’est par leur intermédiaire que nous prenons connaissance de la plupart des informations dont nous disposons sur les événements politiques; ils nous présentent des idées, des images et des représentations (factuelles ou fictionnelles) qui inévitablement façonnent notre vision de la réalité. Dans le monde contemporain, les médias sont sans aucun doute le moyen d’expression culturelle et de communication le plus important: une participation active à la société suppose nécessairement qu’on fasse usage des médias modernes. » Extrait de «L’éducation aux médias, un kit à l’intention des enseignants, des élèves, des parents et des professionnels» UNESCO, 2006
Ainsi, dans notre société de consommation, de la profusion de l’information, et des nouvelles technologies l’image détient une place des plus importantes. De plus dans l’ère des nouvelles technologies l’information devient accessible immédiatement. Notre cher compagnon de route Google® se charge de rechercher ce qui lui est demandé dans la seconde. Faites ce petit test simple et rigolo : tapez dans la barre de recherche « femme mince » Google® vous affichera environ 1 150 000 résultats en 0,38 secondes maintenant tapez « homme mince » il trouvera « seulement » 925 000 résultats en 0,42 secondes. Le plus étonnant se situe au niveau des titres de premiers liens sur lesquels nous sommes invités à cliquer. Pour les femmes nous trouvons ceci : « Les petits secrets des femmes minces - Pour manger équilibré » ou encore « Pourquoi les hommes préfèrent les femmes minces » alors que tu côté masculin il s’agit plutôt de ce genre de propos : « Les Hommes Minces Dégoutent Ils? ». Ce petit jeu met immédiatement en lumière la rupture entre l’image de l’homme et celle de la femme. Une femme mince renvoie à une femme qui plait et qui s’est plaire. Nous avons là l’image d’une femme séductrice qui s’assume. Clairement le pouvoir est tenu par l’homme qui se place en position d’observateur mais surtout de juge.
Partons cet élément de réflexion. Les médias ont pour rôle de nous communiquer des informations dénuées de toute prise de position afin de garantir et de préserver notre chère démocratie. En effet, les médias que nous connaissons sont indépendants des autorités politiques ce qui suppose qu’ils ne sont soumis à aucune réprobation. En revanche, ils ont aussi le pouvoir de faire circuler des messages et des images à une vitesse ahurissante, surtout depuis l’apparition des réseaux sociaux, du monde entier au monde entier. Nous pouvons ainsi dire qu’une forme de sélection, qui certes ne s’apparente pas à de le censure, s’opère tout de même sans que le lecteur en ait parfois même conscience. Autrement comment expliquer le fait que quelque soit la chaine de télévision regardée, la radio écoutée, le magazine choisi nous retombons sans cesse sur les mêmes intentions ? Comment pouvons nous encore croire à la neutralité lorsque nous avons connaissance de cela ? Il semblerait que la femme soit constamment soumise à des idéaux de minceur sans qu’elle puisse les éviter. La femme perd ainsi toute distance critique prenant pour vérité absolue les manipulations médiatiques qui façonnent minutieusement l’image de la « femme parfaite ».
Prenons un exemple très concret qui parlera à tous nos lecteurs : le fameux concours « Miss France® » qui s’est tenu il y a peu de temps à la télévision réunissant, pour info, près de 8 millions de personnes occupant ainsi 37,8% des audiences totales. Nous sommes nous déjà demandé quelle image de la femme était véhiculée lors de cette émission ? Sur quels critères se basent l’élection de la plus belle femme de France ? Inutile de murir bien longtemps la question lorsque l’on voit leur étonnante ressemblance morphologique. Leur forme longiligne est ce qui importe le plus. Mais en quoi mesurer plus d’un mètre soixante dis pour moins de cinquante kilos nous rend t-elle plus belle et féminine comme le direz Judith Butler ? La beauté n’est-elle pas subjective ?
“Ce n'est pas l'apparence qui fait la beauté d'une femme, c'est son rayonnement”David Safier
Pour entrer encore davantage dans le sujet de départ inspiré par Judith Butler nous pourrions évoquer l’image de la femme dans les publicités pour des aliments minceur (enfin parfois ils n’ont de minceur seulement le nom…). Prenons au hasard la publicité de Weight Watchers® :
Figure n°1 : Publicité Weight Watchers ®
Cette publicité démontre à elle seule que la femme est dépendante à la norme. Elle nous donne la fâcheuse impression qu’une femme ne peut être épanouie seulement après avoir perdu du poids. L’impression que toutes les activités amusantes lui étaient interdites jusque ici. Faire le « bon poids », si tenté que cela puisse exister, serait donc l’élément indispensable à la réalisation de soi-même. Il n’y a qu’à voir le sourire presque niait qui se dégage de l’actrice du jour ainsi que la nature des propos tenus « ça a changé ma vie », « maintenant je me sens bien ». On sent nettement l’opposition entre la vie d’avant celle dans laquelle rien n’était possible et cette nouvelle vie qui se présente.
Voici un autre exemple tout aussi cocasse que le précédent. Cette fois une publicité pour des gélules favorisant la perte de poids.
Figure n°2 : Publicité XL-S Médical ®
Ici, l’actrice emploie ces mots « et me revoilà ! » comme si elle s’était précédemment oubliée. Nous voyons aussi apparaitre l’idée de « maladie » voire d’une affection qu’il faudrait à tout prix soigner. Il faudrait ainsi avoir recourt à des spécialistes étant à même de prendre en charge le problème. Cet élément fait encore davantage croitre son importance et exigence associée.
Il semblerait que l’accumulation de stéréotypes devienne la norme, une manière universelle de faire mais aussi d’être. La norme rassemble alors que la différence divise. L’Homme ressent donc le besoin de se normaliser notamment grâce à son apparence physique. Cependant, certaines de ces femmes développent une forme de troubles plus importante allant jusqu’aux troubles du comportement alimentaire afin de répondre toujours davantage aux images véhiculées par les médias (anorexie, boulimie, hyperphagie…).
Face à ce constat aussi accablant il est bien difficile de répondre aux attentes féministes de Judith Butler qui croit encore qu’une émancipation est possible.
Une entrée dans la norme difficile : troubles du comportement alimentaire
Partons d’une brève définition : les Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) se présentent sous plusieurs formes plus ou moins connues dont l'anorexie et la boulimie, ce sont des psychopathologies. Les TCA sont susceptibles de toucher des personnes de tout âge cependant les adolescents et notamment les filles sont nettement plus concernées.
En effet, c'est à cette période que l'enfant se construit et c'est également le moment où il est le plus vulnérable donc le plus susceptible d'être affecté par une ou un ensemble de normes sociétales. Nous pouvons d'ores et déjà faire le rapprochement avec la construction du genre qui débute dès le premier âge et ce poursuit dans cette même période. Un besoin d’identification se fait donc fortement ressentir dans cette phase de bouleversements intenses.
Notons que 90% des personnes touchées par les TCA sont des femmes mais alors pourquoi une telle répartition ? La réponse n’est pas immédiate car plusieurs facteurs entrent en jeu dans le développement de cette pathologie cependant il est possible de mettre en lumière quelques éléments de réflexion pouvant expliquer cette disparité.
La puberté débute plus tôt chez la fille qui subit aussi des modifications corporelles certainement plus importantes « élargissement des hanches », « développement de la poitrine », « apparition de poils », « apparition des menstruations » et surtout une « prise de poids » qui peuvent troubler leur développement. On note aussi un refus de grandir plus net chez les petites filles. Or ces fillettes se conforment à des images de femme totalement faussées; alors que se passe t-il lorsqu’elles s’aperçoivent en grandissant que leur corps n’est pas identiques à celui des magazines ?
Dans cette société qui ne prépare pas à ces changements la maladie est l’ultime solution concrète pour fuir ce genre de questions. Les jeunes femmes se concentrent ainsi une une chose concerte que l’on peut contrôler : le poids. Il faut garder à l’esprit le fait que les TCA sont un phénomène récent qui apparait dans une société dans laquelle la jeunesse s’est individualisée.
Pour en revenir à l’émancipation de la femme nous pouvons avancer l’idée qu’elle n’y est pas pour rien dans l’apparition des TCA. La femme du XXI ème doit posséder plusieurs cordes à son arc, tantôt mère au foyer, femme d’affaire, épouse… Or ces multiples rôles ne sont pas toujours compatibles entre eux ce qui crée de la confusion d’où cette nécessité d’autant plus forte de se conformer à un idéal de beauté, de minceur.
"Le mariage n’est qu’une manière d’organiser la sexualité. Pourquoi faut-il obligatoirement être deux ?" - Judith Butler dans une interview.
Cette réflexion de Judith Butler m'a interpellée car les normes s'appliquent aussi sur la notion d'amour, de couple. En France, on ne peut se marier que lorsqu'on est deux. La société nous conditionne à ne pas dépasser ce chiffre, si on le dépasse, on est tout de suite mal vu. Cette théorie du couple est peut-être due au religion nous donnant une image idyllique de l'amour, de la création avec Adam et Eve. Cependant, le christianisme se perd en France, alors pourquoi devrait-on garder l'idée de vivre un amour qu'à deux et ne pas accepter le polyamour ? Pourquoi devrait-on choisir ? Les sentiments ne se contrôlent pas. De plus, on est déjà confronté à la notion d'aimer plusieurs personnes à la fois, on peut aimer nos parents, amis, animaux, etc, certes ce n'est pas le même amour que l'on ressent mais pourtant c'est bien de l'amour. Le fait d'être polyamoureux n'a rien à voir avec le fait de tromper son partenaire avec un autre, non, être polyamoureux c'est aimer plusieurs personnes à la fois tout en les respectant, ce n'est pas juste une question de sexualité. Il ne faut pas faire d'amalgame entre polygamie et polyamoureux, ce sont deux choses bien distinctes.
Dans notre société qui se veut traditionaliste, certains pensent qu'une relation entre plusieurs amants amène une idée de perversion. Pour eux, ces personnes ne peuvent éduquer un enfant correctement, car ils perturberaient son équilibre cependant il existe des situations où les enfants sont confiés à une mère, un père, des oncles, tantes, grand-parents, etc, ils ne sont pas bouleversé pour autant, pourquoi avoir plusieurs parents seraient interdits ? D'après une interview, un homme qui a pour parents, des polyamoureux, insiste sur le fait que ce n'est pas le nombre qui détermine si on a oui ou non de bons parents : "Des bons parents sont des bons parents, peu importe s'il y en a un, deux, trois ou quatre. Par chance, les miens étaient incroyables."
Sources : Benedict Smith, J'ai été élevé par des parents polyamoureux, http://www.vice.com/fr/read/eleve-par-des-parents-polyamoureux-291, 4 juin 2015
Dans ses écrits, Judith Butler ne peut pas ne pas parler du
virus du SIDA. Le SIDA (Syndrome d’Immuno Déficience Acquise) est un virus qui
détruit les défenses immunitaires du corps humain. Aucune solution n’existe
pour le vaincre mais il peut être contrôlé et la prévention reste la meilleure
manière d’éviter de l’attraper. En France, en 2013, un million et demi de
personnes mouraient du SIDA et si Judith Butler en parle, c’est que les
premiers visés étaient les homosexuels. Ce virus est découvert en 1983 en
France (1981 aux Etats-Unis, appelés « gay syndrome » car plus souvent
identifié chez les personnes homosexuelles). Dès lors, des recherches seront
entreprises pour mieux connaître ce virus et comprendre ses caractéristiques et
effets sur le corps humain. Dès 1987, un test de dépistage est mis en place et
doit aujourd’hui être une formalité à réaliser.
Au début de cette découverte,
beaucoup d’activistes se demandaient s’il existait une reconnaissance publique
suffisante des personnes décédées à cause du virus du SIDA. En lien avec cela, la société
doit faire face à un certain mutisme de la sphère publique. Pourquoi ? A
cause de la honte qui s’y rattache, la honte de la maladie ou encore du fait
d’être gay. Il est tellement honteux de parler de ce sujet tabou que l’on
n’assume pas et l’on ne rend pas un deuil juste à ces personnes. Comme Judith
Butler le dénonce, cette idée de deuil public permet de nous rendre compte de
la précarité de la vie et de la nécessité de la protéger. Il convient de
« faire du bruit » et de parler de tous les sujets possibles pour
réaliser de la prévention et éviter la propagation de virus comme celui-ci.
On fait
aussi face à la création de diverses associations ou de divers mouvements en
matière de prévention et de lutte contre le SIDA. Cette association récolte des
fonds pour la recherche et met en place des actions pour prévenir, pour
encourager les gens à se faire dépister, mais aussi pour accompagner les
malades dans leur traitement.